Contre-projet au salaire minimum cantonal : la majorité du Conseil d’Etat veut réduire le salaire minimum à une peau de chagrin
Le comité d’initiative a pris connaissance avec une grande déception du contre-projet élaboré par le Conseil d’État à sa double initiative pour un salaire minimum cantonal. Le texte de l’Exécutif vide de son sens le salaire minimum en introduisant un record national d’exceptions au salaire minimum et souffre de nombreuses insécurités juridiques qui pourraient permettre au salaire minimum de ne pas être fonctionnel avant plusieurs années. Dans ces conditions, le comité d’initiative considère que seules ses initiatives garantissent l’introduction d’un salaire minimum cantonal.
Insécurités juridiques
Le Conseil d’État prétend accepter le principe d’un salaire minimum cantonal mais renonce à donner une base constitutionnelle à celui-ci. Jusqu’ici, tous les cantons nantis d’un salaire minimum disposent d’un texte constitutionnel offrant une assise suffisante au salaire minimum. En y renonçant, le Canton ouvre la porte à un recours à la Cour constitutionnelle vaudoise par n’importe quel justiciable ; le traitement d’un tel recours peut durer des mois, voire des années en cas de saisie du Tribunal fédéral. Le choix du Conseil est volontairement risqué, menace l’introduction du dispositif et met dans tous les cas en cause la pérennité d’un salaire minimum cantonal. Au final, les travailleurs-ses précaires sont les grands perdants de ce contre-projet.
Montant trop bas et sans indexation
Alors que les initiatives ont calqué le calcul du salaire minimum sur la jurisprudence fédérale avec un dispositif objectif d’indexation automatique déjà en vigueur, le Conseil d’État a sans justification réduit le montant du salaire minimum en ne tenant pas compte de l’évolution des prix entre 2023, date de la rédaction de l’initiative, et la date de son introduction en 2027 au plus tôt selon sa version. Il a supprimé tout mécanisme automatique d’indexation le laissant à la libre appréciation politique du Conseil d’État.
Pléthores d’exceptions
Afin de vider de son sens le projet, le Conseil d’État a établi le record national des exceptions au salaire minimum cantonal, en reprenant le principe de la motion Ettlin au niveau fédéral. La principale exception est de faire primer le salaire des CCT et CTT sur le salaire minimum cantonal. Cela revient à considérer une décision du Conseil d’Etat ou un contrat de droit privé comme plus important qu’une loi adoptée démocratiquement par la population, qui, de plus, objective le risque de pauvreté sur la base de calculs de minimaux sociaux. Cette motion, combattue aussi bien par le Conseil fédéral que par la quasi-unanimité des cantons, viole l’autonomie des cantons en la matière. Notons que le Canton de Vaud s’était opposé à cette motion lors de la procédure de consultation du Conseil fédéral.
De plus, les nombreuses dérogations listées dans le contre-projet privent plusieurs catégories de travailleurs-ses du salaire minimum. Ces mécanismes dérogatoires sont contraires au but de politique sociale du salaire minimum. Alors que la droite dénonce l’augmentation de la facture sociale et des prestations complémentaires, le Conseil d’État assure de cette manière l’impact le plus faible possible du salaire minimum cantonal et une augmentation correspondante des besoins en aide sociale dans les années à venir.
Procédures bâclées
Le Conseil d’Etat a d’abord annoncé solliciter un délai supplémentaire pour assurer le traitement institutionnellement correct du contre-projet puis fait volte-face tout en introduisant des délais très long pour l’entrée en vigueur de ce dispositif pour des salarié·e-s qui en ont urgemment besoin. Alors que notre comité était en procédure de consultation avec le Département, la conseillère d’État a brutalement clôturé les discussions pour livrer la version présentée aujourd’hui de ce contre-projet qui va compliquer les travaux parlementaires. Cette situation dénote un mépris pour les 16'000 signataires de nos initiatives et surtout pour les salarié-e-s précaires qui ne bénéficieront pas d’un salaire minimum avant 2027 en tout cas. La lutte contre la précarité et les bas salaires ne constitue à l’évidence pas une priorité pour le gouvernement ! Le comité d’initiative regrette l’option prise et se battra pour faire entendre ses arguments qui ont été balayés par le Département.